Un paddock paradise en climat européen : cauchemar... ou réalité ?

10 mars 2017| Categorie : Paddock Paradise| Tags : ...

Suite à la parution de l'article de Laure Souquet sur son blog : Paddock Paradise : rêve ou cauchemar ?, long témoignage sur sa difficulté d'installer un Paddock Paradise sur une petite surface sous nos climats européens si différents de ceux du pays du livre de Jaime Jackson, j'ai une grande envie de répondre point par point à chaque argument avancé, histoire d'ouvrir un peu la question à des remarques plus généralistes sur le principe du Paddock Paradise et ses applications possibles sous nos latitudes.

Tout d'abord, revenons sur la définition donnée par Laure :

<< (...) mettre en place sur tout le tour du terrain que l’on a de disponible pour les chevaux une piste de largeur adaptée à leur nombre tout au long de laquelle on installe des aires pour l’abreuvement, la nourriture, les abris, les compléments, etc avec accès contrôlable à différentes parcelles. >>

Un paddock paradise ne se limite pas à une piste, non. La base de l'idée, c'est de disperser les ressources (foin, eau, abri, etc.) sur différentes zones larges qui sont reliées par des couloirs. Autrement dit, on n'installe pas les ressources sur les couloirs, qui sont des lieux de déplacement et non de séjour.

Pour ce qui concerne l'accès à différentes parcelles, c'est quelque chose que l'on voit souvent et qui pose énormément question (à juste titre !), mais pour le principe stricement défini par Jaime Jackson, il n'y pas pas d'accès à des parcelles d'herbe. Si on ajoute ça, on sort de l'application stricte du principe. Loin de moi l'idée de juger que l'une de ces solutions serait meilleure que l'autre : c'est à chacun de voir ce qui le mieux adapté à ses propres chevaux ; mais dans un Paddock paradise strict, il n'y a pas d'accès à l'herbe, donc pas d'accès ponctuel à différents parcelles : les parcelles sont, d'après Jaime Jackson, libérées pour faire du foin (mais libre à chacun d'y faire autre chose comme une carrière, un potager, un jardin d'agrément...).

<< Soyons honnêtes, la première difficulté est financière. En effet, la double clôture nécessaire à la création de la piste est un investissement de taille! Cela double tout simplement le budget clôture et laisse donc moins de fonds pour aménager le reste. >>

Certes, l'argument financier est une question récurrente également ! Cela étant dit, il faut remettre dans ça une perspective générale : l'idée est de faire en sorte que les chevaux soient en meileure santé. Et qui dit meilleure santé, dit aussi... économies de frais de santé. Il s'agit d'un investissement : ce qu'on dépense en côture est censé nous coûter moins cher ensuite en frais vétérinaires etc., i.e. tout ce qui nous côute pour compenser les défauts de leur milieu de vie. Et quand on lit par ailleurs que la moyenne de visites véto par an pour un cheval dans des conditions "standard" est de 8 (!!), on se dit que quand on arrive à réduire cela à la visite groupée annuelle obligatoire pour les rappels de vaccins, on peut se dire qu'on a atteint un objectif intéressant ;)

Par ailleurs, il faut garder à l'esprit que si jamais les chevaux venaient à traverser la clôture intérieure... ils resteraient toujours à l'intérieur du parc ;) Cela signifie que souvent, on peut se contenter d'une clôture bien plus simple, et donc moins coûteuse, pour l'intérieur.

Autre point intéressant sur la question : le fait qu'il n'est techniquement pas impératif d'investir dans une double clôture. Il existe beaucoup de solutions pour inviter les chevaux à se déplacer en suivant des couloirs (et je souligne "inviter" cas c'est bien qu'une invitation qu'il doit s'agir et non d'une contrainte), tout dépend de ce qu'il y a à l'intérieur à protéger. Lorsqu'il s'agit d'un espace réservé à une prairie (de fauche ou de pâture peu importe), alors oui une clôture sera impérative. Mais lorsqu'il s'agit d'une lande ou d'une forêt, alors la simple végétation et/ou la topographie du terrain peuvent à elles seules faire office de délimitations de couloirs. C'est quelque chose que l'on peut observer chez moi par exemple (aux écuries du Grand Vallat), mais aussi ailleurs (comme chez Jaime Jackson d'ailleurs !).


Chevaux circulant sur un couloir matérialisé par la végétation naturelle.

<< A la base, les projets de Jaime Jackson concernent des exploitations entières dont la piste fait tout le tour et qui représentent en général plusieurs dizaines d’hectares au bas mot. >>

Quand on sait que ce n'est même pas le cas du paddock paradise de Jaime Jackson, cela relativise grandement cette affirmation qui relève plus d'un a priori que d'une réelle constatation !

<< Alors on nous dit que même sur un hectare ce système peut s’envisager. D’accord. Seulement les chevaux ont façon d’appréhender l’espace différente de la nôtre. Ils ne sont pas capables de réfléchir au contournement et sont donc pour la plupart incapables de se sortir d’un labyrinthe, même simple. Aussi, s’ils vous voient avec des seaux de grain juste en face d’eux mais qu’un fil les en sépare, ils vont naturellement tendre à rester attendre devant le fil ou à le casser pour passer plutôt que de réfléchir à faire le tour de la piste. Et ils n’apprécieront guère de tourner en rond. Pour que le principe leur paraisse logique, il faut de la surface! >>

C'est tout simplement faux... Je m'explique.

Tout d'abord, non seulement cela peut s'envisager sur un hectare, mais même sur moins : il existe (et j'ai vu !) un certain nombre de paddocks paradise sur des surfaces inférieures qui fonctionnent très bien. Il va sans dire que la surface dout avant toute chose être adaptée au nombre de chevaux que l'on a, et c'est d'ailleurs ce que Jaime Jackson indique dans son livre : toute surface adaptée à l'hébergement classique des chevaux est également adaptée à l'installation d'un paddock paradise. Il est évident aussi, mais je le précise parce que c'est quelque chose qui revient systématiquement comme critique du paddock paradise alors que ça n'a rien à voir avec ce système en particulier, que dans tous les cas, plus la surface sera petite, plus on aura de travaux d'aménagement, c'est mathématique. Ceci n'est pas spécifique au PP mais c'est un problème général.

Ensuite, Laure nous dit que les chevaux ne sont pas capables de réfléchir au contournement : j'aimerais bien connaitre la source fondée de cette affirmation, parce que les faits que je constate quotidiennement sur toutes les structures de pistes que je vois en prouvent clairement le contraire. C'est d'ailleurs l'objet d'une balgue récurrente à propos de l'hébergement des ânes en paddock paradise : on dit, pour rire mais parce que c'est assez vrai, que lorsqu'il se trouve face à une clôture qu'il doit contourner pour aller là où il le souhaite, un cheval fera le tour, mais un âne restera devant la clôture et appellera son humain (...quelle que soit l'heure du jour ou de la nuit !). Non, mis à part des probèmes particuliers du type problème de vue par exemple, ou bien une mauvaise organisation des couloirs de la part de l'humain, les chevaux n'ont strictement aucune difficulté à appréhender la circulation dans un système de couloirs, vraiment. Et je le constate depuis des années sur de multiples structures aux caractéristiques extrêmement variées.

Dernière petite remarque qui permet de dénouer un amalagme récurrent de la part de personnes qui ne connaissent pas bien le concept : un paddock paradise n'est pas un labyrinthe, et inversement un labyrinthe n'est pas un paddock paradise. Si on a installé un labyrinthe, on ne peut pas espérer obtenir le résultat d'un paddock paradise : l'un génère du stress là où l'autre doit générer du confort.

Ils n'apprécieront guère de tourner en rond : remarque très personnelle ! Je me permets de retourner la question : s'ils ne sont pas bien sur des couloirs dans un espace donné qui leur donne l'impression de tourner en rond... alors qu'en est-il sur la même surface sans les couloirs ? Est-ce que le probème ne viendrait pas tout simplement de la surface en elle-même ? Oui, en principe les chevaux ont besoin d'espace. Pourtant c'est le procès des paddock paradise que l'on lit ici aujourd'hui, et on parle peu de la question, plus délicate !, des hébergements trop exigus que l'on impose si souvent à nos chevaux, en PP ou non.

<< De plus, les petites surfaces disponibles encouragent souvent à réduire au maximum la largeur des pistes. Or, celle ci doit être suffisante pour que les chevaux puissent passer à plusieurs de front, et donc adaptée à la taille du troupeau. >>

Dans ce cas, c'est une erreur humaine. Un couloir doit être assez large pour être sécurisé pour tous les cas de figure. Si l'ont fait des couloirs trop étroits, alors on court plusieurs risques dont ceux évoqués dans l'article (et d'autres aussi). Mais ces risquent ne viennent pas de l'existence des couloirs, mais de la façon dont chacun les met en place : si on fait une erreur, ce n'est pas le concept qui est à critiquer, mais ce qu'on en a fait.

Pour ce qui est la largeur maximale, elle dépend elle aussi du nombre de chevaux que l'on a. Mais globalement, au-delà de 6m on n'a plus d'effet "couloir" et on sort donc du principe du paddock paradise.

J'ajoute qu'encore une fois, le système est censé créer du confort et non du stress ; si notre installation génère du stress, alors c'est qu'il est mal fait.

<< Car même si on vous promet qu’à force de tasser la piste les chevaux la rendront suffisamment dure pour supporter l’hiver sans former de boue, c’est sans compter avec la pluviométrie de nos contrées et la nature de certains terrains. Et honnêtement, toutes les pistes de Paddock Paradise que j’ai pu voir en France et qui n’étaient pas drainées et stabilisées ressemblaient davantage à des rivières de boue en hiver! >>

Oui, c'est vrai : dans la très grande majorité des cas en francophonie, le problème de la boue en hiver est LE problème numéro un. Je me permets toutefois de faire remarquer à l'auteure qu'elle a dû oublier l'état de mes couloirs non aménagés en hiver en opérant sa généralisation ;) (alors oui, j'ai moi aussi des zones boueuses. Mais même au pire de l'hiver une bonne moitié du parc au strict minimum reste sec.)

Il exsiste de muliples façons de gérer la boue en hiver dans les zones qui le nécessitent. Et oui, si l'on vuet faire ça dans les règles de l'art alors ça a un prix. Cela étant dit, dans la mesure où dans tous les cas on est déjà censés quoi qu'on fasse assurer un espace propre et sec sur les zones de nourrissage etc. que l'on soit en paddock paradise ou non, la majeure partie de l'investissement est le même dans tous les cas. C'est pour les couloirs que cela fait uen différence, et pour cela comme je disais, il existe des solutions, des astuces... qui sont longues à lister et que je tâche d'approcher notamment dans mes ateliers. Par contre le fait est que, n'en déplaise à l'auteure, les chevaux à force de marcher toujours aux mêmes endroits vont éroder particulièrement ces zones de passage et donc supprimer progressivement la couche de terre arable pour se rapprocher d'une couche plus minérale et donc, moins boueuse. Mais cela prend des années, et évidemment cela prendrait infiniment plus de temps lorsque la roche-mère est profonde !

<< Enfin, très souvent, le principe n’est pas suivi jusqu’au bout par manque de temps, ce qui fait que les chevaux ne bougent pas davantage que dans un pré classique. Car si on respecte bien les règles, on doit par exemple disposer des filets à foin tout le long de la piste et non dans une seule aire, qu’elle soit stabilisée ou non. Seulement cela prend bien plus de temps et demande bien plus de manutention que de tous les regrouper ou d’en mettre un très grand sur un ballot de foin complet. En effet, si Jaime Jackson parle de disposer suffisamment de filets pour que le remplissage ne soit nécessaire qu’une fois par semaine, cela suppose qu’ils soient nombreux et/ou de très grande taille. D’une part, des filets de bonne qualité qui n’abiment pas les gencives des chevaux coûtent cher, et d’autre part, il faut une bonne surface de piste et de nombreuses aires élargies pour les disposer et cela ne doit pas prendre tout l’espace de votre Paddock Paradise. Donc la plupart des gens ne le font pas. Et au delà de cela, il est impératif de disperser les points d’intérêt au maximum. Car si le foin est sous l’abri avec l’eau, Paddock Paradise ou pas, les chevaux y passeront la majorité de leur temps. Il ne suffit pas d’une piste pour les encourager à se déplacer! >>

C'est globalement vrai... (modulo les quelques erreurs que je vois dans le texte mais je ne vais pas trop pinailler ;)) Et ça illustre bien le fait que la très grande majorité des problèmes ne vient pas du principe en lui-même, mais des défauts d'application de la part des personnes. Donc, merci de veiller à ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain ;)

Sur le prix des filets de qualité néanmoins : il est tout à fait possible de trouver des filets avec un très bon rapport qualité-prix (et aucun problème de gencives ! Ah, encore un effet de fichu buzz-marronier :() pour essayer le principe. Je ne citerai pas de marque ici, mais le fait est que ça existe et qu'en fouillant un peu sur les groupes et forums on trouve vite de bons plans !

Par ailleurs, est-il nécessaire de rappeler que si l'on rassemble toutes les ressources au même endroit, on peut faire tous les couloirs que l'on veut, on n'aura pas un paddock paradise ? ;)

<< Je parlais de manutention, ça vaut le coup de s’y attarder. Car le foin à disposer le long de la piste n’est pas le seul effort à fournir. Si vous n’avez pas ni point d’eau naturel ni moyen d’en pomper d’un point d’eau proche du pré, il vous faudra faire le tour de la piste pour remplir votre abreuvoir. Et ce sera la même chose pour ramasser les crottins que vous ne pourrez évidemment pas laisser sur cette piste, et pour toutes vos autres tâches. Impossible de couper au milieu du pré, à moins de passer entre les fils et de montrer ainsi aux chevaux que c’est chose possible. C’est beaucoup de temps perdu si vous en avez peu à passer avec eux. Pour leur bien-être, c’est sûr. Mais au quotidien c’est rapidement difficile. >>

Pour tout cela encore, il existe quantité d'astuces pour se simplifier la vie et faire en sorte que paddock paradise ne devienne pas synonyme de "enfer pour humains"... autant de choses que je développe dans mes ateliers également, et que les gens s'échangent sur groupes et forums dédiés aussi. Il y aurait vraiment des quantités de choses à dire, mais déjà rien qu'en prenant le temps de chercher un peu on trouve beaucoup de solutions à mettre en place pour les différnts problèmes.

<< Aussi, surtout sur de petites surfaces qui, je le rappelle, sont les plus courantes chez nous, je préfère laisser les chevaux utiliser l’espace comme ils le souhaitent. De toute façon, ils créent leurs pistes eux même. Et au moins, lorsque le terrain s’avère trop humide, ils peuvent en changer. L’essentiel est la bonne répartition des ressources et il n’est plus nécessaire de répartir les espaces car ils le font d’eux mêmes. Naturellement, ils choisissent pour se reposer et s’abriter les meilleurs endroits, qui diffèrent avec le moment de la journée et la météo. Vous n’avez alors plus qu’à disposer pierres à sel, compléments, plantes variées, eau, et filets à foin si nécessaire à des emplacements éloignés. Ainsi, vous économisez une clôture et laissez davantage d’espace aux chevaux pour courir. L’espace étant ouvert, il vous est plus facile de vous y déplacer vous aussi. De plus, aucun endroit du pré n’est sur-pâturé ni compacté à outrance. Libre à vous, ensuite, de disposer des graviers à certains endroits stratégiques pour encourager vos chevaux à y marcher. Mais si leurs pieds sont sensibles, ils peuvent les éviter. >>

Les quelques études qui ont été menées sur ce genre de question ont montré que toutes choses égales par ailleurs, les chevaux se déplaçaient plus avec les couloirs matérialisés que sans.

En outre, je demande très sérieusement à voir comment un pré de 1ha peut ne pas être compacté ni surpâturé avec un troupeau dessus en continu et sans réguler l'accès !

<< Libre à vous, ensuite, de disposer des graviers à certains endroits stratégiques pour encourager vos chevaux à y marcher. Mais si leurs pieds sont sensibles, ils peuvent les éviter. >>

...tout comme dans un paddock paradise bien pensé... c'est une question de logique, pas de type d'installation.

<< Comme toujours, je fais confiance à la nature des chevaux, et je pars du principe que si le troupeau a une bonne dynamique et que les ressources sont adaptées et les chevaux bien dans leur tête, alors ils sont à même de gérer leur espace sans nous. >>

Malheureusement à terme ce n'est pas le cas, parce qu'on ne peut pas leur offrir d'espaces suffisants, sauf cas très particuliers de plusieurs centaines d'hectares. Si l'on n'aménage pas un minimum (et je ne parle pas forcément de paddock paradise, il y a d'autres façons de faire), alors il est impossible de ne pas générer des déséquilbres écologiques dans une prairie juste en y laissant les chevaux et en "leur faisant confiance". Ça ne marche tout simplement pas, parce que ce sont les herbivores d'élevage les plus sélectifs et que l'espace que nous leur offrons n'est jamais réellement suffisant pour ne pas pâtir de leur présence.

Pour conclure, je rappelerai qu'il est toujours intéréssant de faire la différence entre une concept et l'application concrète que l'on en voit : chacun de nous adapte ses installations à ce qu'il a envie de faire, le paddock paradise strict n'est pas forcément ni le but ni la solution pour tout le monde, dans tous les cas. Mais généraliser sur le principe du paddock paradise sur la base d'expériences truffées d'erreurs +/- grossières qui faussent le résultat serait une erreur.

OUI, le paddock paradise et les idées qui le fondent apportent de réelles solutions concrètes et pratiques dans de très nombreux cas.

OUI, le concept fait aujourd'hui l'objet d'un engouement qui fait que l'on trouve quantité de structures qui annoncent fièrement un PP alors que leur installation n'a en fait rien à voir : et l'on ne peut escompter avoir les mêmes résulats en faisant différemment, juste en collant l'étiquette dessus.

Et OUI, comme tout type d'installation un peu réfléchi, installer un paddock paradise demande de l'investissement : en argent, en temps de réflexion, en temps d'observation de notre environnement et de nos chevaux. On essaie, on constate des erreurs, on ajuste : on progresse. C'est beaucoup plus compliqué que de se contenter de clôturer autour du parc et mettre toutes les ressources sous l'abri : mais je peux témoigner, par toutes les expériences que j'ai pu suivre, que j'ai pu voir, que j'ai pu mener, que les bénéfices valent réllement l'investissement !

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